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Dictionnaire des curieux (1880)
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L'eau en vient à la bouche
Après avoir fait rémunération des excellentes choses que vous avez mangées, ou que vous vous proposez de manger, à un bon dîner, vous ajoutez quelquefois ces mots : Rien que d'y penser, l'eau vient à la bouche.

L'eau vient-elle réellement à la bouche lorsqu'on regarde un mets délicat, même quand on ne fait que d'y penser ?

C'est parfaitement vrai, et nous verrons tout à l'heure pourquoi.

Les aliments, pour remplir leur fonction dans la nutrition, doivent être digérés. Ils sont digérés dans l'estomac ou dans l'intestin, grâce à l'action du suc gastrique, de la bile, du suc pancréatique, du suc intestinal.

Pour être digérés, ils doivent auparavant être mâchés, s'ils sont solides. La mastication se fait dans de bonnes conditions à l'aide de la salive. Certains aliments même, les substances féculentes, ne pourraient être digérés, s'ils n'étaient imbibés de salive.

La salive est donc l'agent premier de la digestion, car sans elle, les aliments ne seraient pas mis dans un état convenable pour se rendre à l'estomac, et la déglutition serait presque impossible.

La salive est sécrétée dans la bouche par les glandes salivaires. En temps ordinaire, cette sécrétion est peu abondante, parce, qu'elle n'a pour but que d'entretenir l'humidité des muqueuses de la bouche. Mais aussitôt qu'un aliment est placé dans la bouche, la sécrétion devient très abondante, afin d'imbiber l'aliment mâché.

La salive obéit en ceci aux mêmes lois que le suc gastrique, la bile et les autres agents de la digestion, qui ne se produisent avec abondance que lorsque les parois où ils ont leur source sont mises en contact avec les aliments.

Donc, en plaçant dans la bouche un aliment quelconque, on fait abonder immédiatement autour de ce corps un flot de salive.

Ce phénomène se manifeste absolument de la même façon si, au lieu de mettre l'aliment dans la bouche, on ne fait que le regarder ou même y penser.

Ceci parait insignifiant au premier abord; mais, en y réfléchissant bien, quel joli chapitre on pourrait en tirer pour l'histoire de l'homme! La salive, cet agent si modeste en apparence, se tient sous les armes, non seulement quand l'ennemi s'approche, mais dès que sa présence se manifeste. Nos jarrets se tendent quand nous voulons faire un bond; nos poings se ferment quand nous voulons frapper; nos yeux se fixent quand nous voulons contempler; nos lèvres s'ouvrent quand nous voulons parler; — eh bien ! nos glandes salivaires font absolument la même chose que nos jarrets, nos poings, nos yeux, nos lèvres : elles se mettent en activité à la seule idée de manger, comme d'autres organes à la seule idée de remplir la fonction qui leur est propre.

Et voyez combien les glandes salivaires sont intelligentes! Si l'aliment que nous regardons, ou auquel nous pensons, ne ne nous plaît pas, elles n'entrent pas en activité, l'eau ne nous vient pas à la bouche.

Avons-nous dans la bouche un aliment qui nous plaît peu? Elles font leur besogne à regret, et nous sommes obligés de boire pour le faire passer.

L'aliment nous déplaît-il absolument? Elles entrent dans une activité prodigieuse pour nous aider à le rejeter; elles l'enveloppent de leur liquide pour qu'il ne touche pas aux régions de l'arrière-bouche, et pour qu'il n'en reste pas une parcelle dans la cavité buccale. Elles entrent dans le même travail à la seule pensée d'un objet dégoûtant; c'est pour cela que nous crachons quand nous voyons quelque chose de malpropre, ou qu'il en est seulement question. Et comme la manifestation des sentiments moraux se produit extérieurement de la même façon que la manifestation des sensations physiques, nous crachons pour indiquer notre mépris à l'endroit d'une personne méprisable, ou notre indignation au récit d'une action basse, d'une lâcheté.

Vous voyez, par ces aperçus, qu'on pourrait faire un joli chapitre sur la salive.

N.-B. — Tout le monde sait que, pendant les fortes chaleurs, les travailleurs des champs ou les piétons mettent un caillou dans leur bouche pour se préserver de la soif.

Le caillou ne peut en aucune façon préserver de la soif, ni l'apaiser, si elle existe; mais sa présence dans la bouche excite la sécrétion des glandes salivaires et entretient l'humidité dans les régions où la soif se manifeste de la manière la plus intense.

Les fumeurs prétendent que fumer joue le même rôle que le caillou. Evidemment, puisque tout corps mis en contact avec les glandes salivaires les fait entrer en activité. Les corps qu'elles ne connaissent pas ont surtout ce pouvoir. C'est pour cela que les apprentis fumeurs sont obligés de cracher énormément, ce qui les rend fort peu intéressants.

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