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Les mots qui restent (1901)
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LÉGALITÉ
« Sorti de la légalité pour rentrer dans le droit. »

Formule ingénieuse dont se servit le prince Louis-Napoléon Bonaparte, alors président de la République, pour légitimer l'acte audacieux de décembre 1851, que plusieurs ne purent lui pardonner, mais qui fut ratifié quelques jours après par la grande majorité de la nation.

On se souvient des circonstances qui marquèrent ce coup d'État.

Vers la fin de 1851, au milieu de l'agitation des partis, les hommes d'ordre voyaient avec terreur approcher l'échéance de mai 1852, époque à laquelle expiraient les pouvoirs du président, non rééligible d'après l'article 45 de la constitution.

Le 2 décembre au matin (anniversaire de la bataille d'Austerlitz), les Parisiens, à leur réveil, purent voir les murs couverts d'affiches signées du prince-président, décrétant la dissolution de l'Assemblée nationale, le rétablissement du suffrage universel, et appelant le peuple français à se prononcer sur les bases d'une constitution nouvelle, notamment sur l'élection d'un chef responsable pour une période de dix ans.

Dans la nuit, seize représentants du peuple et une soixantaine de chefs de clubs et de barricades avaient été arrêtés.

Le texte du plébiscite soumis à l'approbation des électeurs était le suivant :

« Le peuple français veut le maintien de l'autorité de Louis-Napoléon Bonaparte, et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour établir une constitution sur les bases proposées dans sa proclamation... »

On sait quel fut le résultat du scrutin qui fut ouvert le 20 et le 21 décembre : il y eut 7,439,216 oui et 640, 737 non.

Le 31 décembre au soir, ces chiffres furent communiqués officiellement au président par la commission consultative, chargée du recensement des votes. La réponse du prince débutait par ces mots :

« Messieurs,

» La France a répondu à l'appel loyal que je lui avais fait. Elle a compris que je n'étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit. Plus, de sept millions de suffrages viennent de m'absoudre, en justifiant un acte qui n'avait d'autre but que d'épargner à la France et à l'Europe des années de trouble et de malheur. »

(Moniteur du ler janvier 1852, p. 2.)

La formule : « sorti de la légalité etc. » aurait été fournie, dit-on, au président par une lettre de Mgr Menjaud, évêque de Nancy, qui l'aurait tenue d'un curé de campagne.

Un autre euphémisme fut employé, à propos du 2 décembre, par M. le vicomte de Vogué, recevant M. Hanotaux à l'Académie française, le 24 mars 1898.

Retraçant en traits rapides la carrière littéraire de M. Challemel-Lacour, le prédécesseur du nouvel élu, il disait :

« Nul n'avait conservé un souvenir plus amer de l'opération de police, un peu rude, qui rassura, un matin de décembre, la société affolée. »

M. Challemel-Lacour était de ceux qui, au lendemain du coup d'Etat, avaient été emprisonnés, puis exilés.

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