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Mythologie grecque et romaine
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Introduction
Introduction présente sur le livre d'origine.
Cet ouvrage s’adresse surtout aux personnes désireuses de connaître la Mythologie traditionnelle des Grecs et des Latins. Il ne saurait entrer dans nos vues de faire ici œuvre d’érudition, chose d’ailleurs plus fastidieuse qu’utile, si l’on considère les différents ouvrages de ce genre parus depuis quelques années. Mais hâtons-nous d’ajouter que ces ouvrages ne se lisent guère ; et nous nous proposons au contraire de nous faire lire, en donnant à ce travail un caractère d’utilité.

La Mythologie est évidemment une série de mensonges. Mais ces mensonges ont été, durant de longs siècles, des sujets de croyance. Ils ont eu, dans l’esprit des Grecs et des Latins, la valeur de dogmes et de réalités. À ce titre, ils ont inspiré les hommes, soutenu des institutions parfois très respectables, suggéré aux artistes, aux poètes, aux littérateurs l’idée de créations et même d’admirables chefs-d’œuvre. C’est donc, croyons-nous, un devoir de les respecter ici, et de les reproduire dans leur entière simplicité, sans pédantisme et sans commentaire, avec leurs étranges, leurs merveilleux détails, sans nous préoccuper de leur invraisemblance ou de leurs contradictions.

En fait de croyances, l’humanité se laisse guider non par sa raison, mais par le désir, le besoin de connaître la raison des êtres et des choses. Les doctrines philosophiques ne sauraient la satisfaire : il y a trop de merveilles sous ses yeux pour qu’elle n’en recherche pas la cause. Elle s’adresse d’abord à la science ; mais, si la science est incapable de l’instruire, comme il lui faut une explication suffisante ou satisfaisante, elle s’adresse à son propre cœur et à son imagination.

Dans l’enfance des peuples, dit-on, tout n’est que croyances, articles de foi. C’est entendu. Mais dans l’âge mûr des peuples, lors même que la science a dévoilé, lui semble-t-il, un grand nombre des mystères de la nature, l’Humanité peut-elle se flatter d’évoluer en pleine lumière ? Dans le monde ne reste-t-il pas encore une infinité de coins ténébreux ? En admettant même que tous les secrets de la nature visible et palpable fussent révélés, ne restera-t-il pas toujours ce monde métaphysique, invisible et insaisissable, sur lequel la science a si peu de prise, et que la philosophie, malgré ses efforts, n’a pu jusqu’ici ni éclaircir ni pénétrer ?

L’antiquité, dont les connaissances scientifiques étaient si imparfaites, si rudimentaires, plaça une divinité partout où, pour elle, il n’y avait que mystère. C’est là, en partie, ce qui explique le grand nombre des dieux. Mais il y a plus. Tout ce qui frappa d’admiration, d’étonnement, de crainte ou d’horreur les premiers hommes prit à leurs yeux un caractère divin. Pour l’humanité primitive, la divinité représente tout ce qui dépasse la conception humaine. Dieu n’est pas seulement l’être absolu, parfait, tout-puissant, souverainement généreux et bon, c’est aussi l’être extraordinaire, monstrueux, prodige à la fois de force, de malveillance et de méchanceté. Et ce ne sont pas seulement les êtres animés qui se trouvent revêtus de ce caractère divin, aux yeux de l’humanité des premiers âges : les choses elles-mêmes sont divines. En un mot, ce n’est pas la divinité qui pénètre les choses, ce sont les choses elles-mêmes qui sont réellement la divinité. Une âme divine, répandue partout, dans ce monde, se divise en une infinité d’âmes également divines, réparties de tous côtés entre la diversité des créatures, si bien que les vertus, les passions les plus abstraites de l’homme ont aussi ce privilège d’être empreintes d’une marque surnaturelle, de porter le sceau divin, et de revêtir, avec une physionomie particulière, les insignes et les attributs de la divinité.

Étudier la Mythologie, c’est s’initier à la conception d’un monde primitif, aperçu dans un demi-jour, ou plutôt dans une pénombre mystérieuse, pendant de longues années. N’y voir que les aberrations d’esprits frustes et superstitieux, c’est n’en juger sans doute que d’après les apparences ; mais, d’autre part, n’y voir que des allégories transparentes, chercher l’explication de tous ces mythes, de toutes ces fables, de toutes ces légendes, dans l’observation du monde physique, c’est outrepasser gratuitement les limites de la réalité. Dans cette longue énumération de croyances mythologiques, acceptées par les peuples anciens, l’imagination, la fantaisie ont une large part. Chaque siècle, chaque génération s’est plu à augmenter le nombre de ses dieux, de ses héros, de ses merveilles et de ses miracles.

Aux données lointaines, même de l’Égypte ou de l’Asie, la Grèce et Rome ont ajouté les produits de leur imagination. Les images des dieux s’offrent à nous sous des aspects si divers qu’il est parfois d’une extrême difficulté d’en décrire le type le plus universellement reconnu. Leurs traits se sont modifiés entre les mains de tant d’artistes, et par le caprice de tant d’écrivains qui s’en sont occupés !

Depuis quelques années, il est de mise, en littérature, de désigner les divinités grecques par leur dénomination hellénique. Est-ce simplement par un scrupule d’exactitude mythologique, ou pour faire montre d’érudition ? Nous n’osons nous prononcer. Mais, de quelque nom que l’on désigne les dieux de la fable, il n’en est pas un seul qui exprime l’universalité de leurs attributs, pas un seul qui donne une idée exacte de ce qu’était la même divinité en Grèce et à Rome. Sans doute l’appellation grecque a l’avantage d’être assez précise lorsqu’il ne s’agit que d’interpréter les œuvres artistiques et littéraires des Grecs ; sans doute les noms tels que Zeus, Hèra, Hèphæstos, Arès, Héraclès, etc., ne sauraient surprendre, ni dérouter le lecteur ou l’auditeur averti, mais il faut bien reconnaître et avouer que ces noms ne disent pas grand’chose au public français, et ne devaient pas en dire davantage au peuple romain. Ajoutons même que, pour l’oreille française, s’ils ne sont pas barbares, ils semblent parfois dépourvus d’harmonie.

L’érudition ou le pédantisme aura beau faire, le public français s’obstinera toujours à employer, dans le langage usuel, les noms romains de Jupiter, Junon, Apollon, Mars, Hercule, etc.., qui nous sont familiers. Est-ce notre faute à nous, si la Gaule a été conquise, non par la Grèce, mais par Rome ?

Nous sommes un peuple latin de langue, sinon d’origine ; ce sont, malgré nous, et en dépit des savants, les mots latins qui reviennent sur nos lèvres, et c’est Rome qui d’abord nous a enseigné le nom et les attributs de ses dieux. Il est vrai qu’elle-même s’était approprié la plupart des divinités de la Grèce. Mais, en les introduisant chez elle, dans son culte et dans ses mœurs, elle les désigna par des noms qui leur sont restés.

Qu’elle ait confondu ses divinités nationales ou traditionnelles avec celles des Grecs, en se les appropriant, c’est une autre question. D’ailleurs, en Grèce même, chaque divinité n’avait pas dans toutes les villes, dans toutes les régions, le même caractère ni les mêmes attributs. Ainsi donc, ce n’est pas, à proprement parler, commettre une hérésie mythologique que de désigner les dieux d’Homère et d’Hésiode, à la façon de Virgile et d’Horace, par des noms purement et essentiellement latins.

Nous nous sommes arrêté à ce dernier parti.

Est-ce à dire que l’on ne doive faire aucune distinction entre la Mythologie grecque et la Mythologie romaine ? Telle n’est pas notre pensée. Mais la Mythologie dont nous nous occupons ici est celle qui permet de comprendre, d’interpréter les œuvres, les monuments, les écrits de deux civilisations dont l’influence s’est fait et se fait encore heureusement sentir dans nos travaux artistiques et littéraires.

Pour expliquer et apprécier le génie d’Athènes et celui de Rome, il est nécessaire de posséder au moins quelques notions de Mythologie. Que de passages resteraient inexplicables dans les auteurs les plus répandus, sans la connaissance de ces notions ! Que de jeunes gens se trouvent arrêtés, nous ne dirons pas dans Homère, Hésiode, Pindare, mais dans Ovide, Virgile, Horace, même dans un grand nombre d’auteurs français, par des difficultés qui résident dans une allusion, une comparaison, une réminiscence mythologique !

Nous n’ignorons pas que, en littérature, la Mythologie est quelque peu délaissée. Mais elle a eu sa période de renaissance et de faveur ; elle a marqué notre langage de son empreinte ; elle reste toujours un trésor d’idées séduisantes et de splendides tableaux. Aujourd’hui, si nous nous en rapportons aux expositions annuelles de la peinture et de la sculpture, les divinités anciennes comptent encore dans le monde des artistes beaucoup d’adeptes ou de fidèles prosélytes. Longtemps encore le pinceau et le burin s’efforceront de reproduire, sous l’inspiration des Muses et des Grâces, les actions, les attitudes, la physionomie, la démarche des dieux et des héros. Dans le domaine de l’art, l’histoire ne saurait l’emporter sur la fable : la réalité, si merveilleuse, si sublime, si inspiratrice qu’elle soit, est cependant limitée dans sa sphère ; tandis qu’il n’y a ni bornes ni mesure dans les données de l’imagination et du sentiment. Ainsi donc, si grande que l’on fasse la part de la vérité historique, jamais, aux yeux de l’artiste et du poète, elle n’aura l’amplitude, la fécondité et le prestige de la fiction.

Qu’on nous pardonne ces considérations. Elles n’étaient pas sans doute indispensables, comme exorde à cet ouvrage ; elles ne laisseront pas toutefois d’indiquer nos intentions et notre but.

En publiant cette Mythologie, nous n’avons pas oublié qu’elle est destinée aux études de la jeunesse autant qu’aux artistes et aux gens du monde. On reconnaîtra que nous nous sommes efforcé, non seulement d’édifier le lecteur sur tout ce que comporte la Fable, mais encore de ne jamais le surprendre ou le blesser par l’indiscrétion d’une image ou l’inconvenance d’une expression.

La difficulté de notre travail ne consistait pas évidemment dans la recherche de documents nouveaux. Il ne s’agissait pour nous ni de compulser les archives, ni de remuer le sol pour exhumer des divinités inconnues. La Mythologie de la Grèce et de Rome se compose de faits et de légendes qui font partie du domaine public, on les trouve partout épars dans des livres que tout le monde a sous la main. Les savantes investigations de l’antiquaire pourront éclaircir, modifier quelque détail ; elles ne changeront rien à l’ensemble des traditions fondées par les poètes et désormais consacrées par le temps.

Nous nous sommes donc appliqué à coordonner des matériaux qui abondent, à disposer les différentes parties de notre ouvrage de manière à présenter au lecteur une sorte de tableau.

Tout d’abord, nous exposons les croyances relatives à la genèse du monde et des dieux. Ensuite, après avoir passé en revue successivement les divinités de l’Olympe, celles de l’Air, de la Terre, de la Mer, et des Enfers, nous racontons les légendes héroïques, en les classant, autant que possible, par régions, ou en les groupant autour d’expéditions fabuleuses d’une grande célébrité.

On nous pardonnera de nous être laissé entraîner à quelques redites. Toutes ces légendes mythologiques sont liées les unes aux autres, et il est difficile de les détacher, de les raconter isolément, sans reproduire des particularités communes. Du reste, nous avons pensé que, si une Mythologie, comme une Histoire, peut être l’objet d’une lecture suivie, elle reste, après cette lecture, un véritable répertoire où chaque article doit fournir de complets éclaircissements. C’est dans ce but que nous avons placé, après la table des matières, un index analytique, à la fin du volume.

On reconnaîtra que les nombreuses gravures et les dessins dont cet ouvrage est illustré et enrichi, ont tous un caractère d’authenticité. Les uns, empruntés aux monuments antiques, ont la valeur d’indiscutables documents ; les autres, reproductions d’admirables chefs-d’œuvre, donneront un aperçu de ce que la sculpture et l’art en général trouvent de ressources dans les inspirations des poètes et les religieuses conceptions de la Mythologie.

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